Êtes-vous... un ange ?

C 'est beau, n'est-ce pas ? Oui, je trouve ça magnifique mais j'ai peur. Je ne sais pas où je suis, et je n'avais jamais vu autant de monde. Je laisse mon regard vagabonder d'individu en individu avant de le laisser se poser sur un arbre puis un banc vers lequel je me dirigeais d'un pas incertain. Tu verras, le monde n'est pas si effrayant. Je m'assois, les mains posées sur les jambes, laissant ma grande robe bleue voler légèrement au vent. J'ai peur.

Le soleil brille haut dans le ciel, ce ciel que je ne peux m'empêcher de fixer. Il est semblable à celui que je voyais de la fenêtre de ma chambre. Un frisson me parcoure alors que je repense à la maison. N'aies pas peur, ce monde est plus beau que dangereux. Je secoue la tête, ce n'est pas ce qu'on dit mes parents. L'extérieur est dangereux, peuplé de personnes qui me voulaient du mal. Il ne pouvait pas être gentil. Je pose mon regard sur le paysage animé. Que c'est beau. Ces personnes qui se promènent ont l'air si sereines, heureuses. Je suis intriguée par tout cela et je me mets à fixer les gens avec un intérêt certain. Je n'avais jamais vu autant de monde et cela m'effrayais un peu... Ce que je ne comprenais pas, c'est qu'ils me fixaient bizarrement, comme si je n'étais pas comme eux. Je savais que fixer les gens était impoli mais je ne pouvais m'empêcher de le faire, ils étaient si... intrigants.

Tout mon corps s'avance pour observer avec concentration. Mes yeux sont grands ouverts et un "o" se dessine sur mes lèvres. Mais très vite, je me redresse et détache mon regard de la foule qui me fixait avec curiosité et parfois méchanceté. Je détournais la tête, rougissant quelque peu. Légèrement angoissée, je me mis à agripper ma longue robe bleue, ne sachant pas quoi faire. N'aies pas peur et calme toi... Mais je n'y arrivais pas. Tout était si nouveau, si effrayant.

Soudainement je sens quelque chose couler sur mon visage. Je passe un doigt sur ma joue mouillée. Sur le bout de mon doigt se trouve une perle d'eau que je regarde avant d'essuyer les autres perles qui coulaient sur mon visage. Les pleurs ne voulaient pas cesser et cela me rendait encore plus étrange aux yeux des autres qui s'arrêtaient parfois pour m'observer. Laissez moi, j'ai peur...

Les sanglots secouaient ma poitrine et je ne savais quoi faire. Ne lève pas la tête, ils te regardent tous comme si tu étais un spectacle. Ce monde n'est pas gentil, je ne suis pas une bête de foire. Je me recroqueville quelque peu sur moi, tentant d'étouffer ces larmes qui refusaient d'arrêter de couler. Elles étaient là à cause de cette peur qui tétanisait mon corps. J'avais peur de cet extérieur si vaste, si encombré. Je voulais rentrer chez moi... Mais si tu rentres, c'est la colère de tes parents que tu vas croiser. Et je ne souhaitais pas non plus avoir à subir les foudres de mes géniteurs.

Je restais un instant ainsi, laissant la brise venir jouer avec les mèches de mes cheveux. Frénétiquement, j'essuyais chaque larme que délivraient mes yeux, souhaitant du plus profond de mon être que ce phénomène, dont je n'avais pas l'habitude, cesse. Je n'avais jamais vraiment pleuré. Car tu n'en as jamais eu l'occasion. Tu vivais dans un mensonge de bonheur. Heureux est celui qui ignore. A la maison, personne ne faisait rien pour me contrarier ou bien me rendre triste, tout le monde était si gentil avec moi. Personne ne me dévisageait ainsi.

Une ombre apparait dans mon champ de vision. Doucement, je relève la tête pour croiser le regard d'un homme qui s'était agenouillé devant moi. Mon premier réflexe fut de me reculer un peu, apeurée par ce comportement. Mais très vite, la curiosité reprit le dessus et je m'avançais vers lui. Les larmes coulaient toujours mais tendaient à se tarir. La peur avait fait place à la curiosité de nouveau et je le dévisageais les yeux écarquillés. Sa voix avait été douce et il ne semblait pas méchant. Je ne dis rien un instant, ne sachant pas comment répondre à sa question. J'étais perdue, mais pas en détresse...

Une lueur bleue attira mon regard sur sa tempe. Elle était similaire à celle que cette personne avait. Cette personne qui m'avait abandonné ici. Je tends une main hésitante, oubliant totalement que je pleurais juste avant. Mes doigts se stoppèrent avant de toucher la temps du jeune homme. Toute mon attention était portée sur cette lueur bleue, si bien que j'en oubliais le monde autour de moi. Je détaillais la façon dont elle clignotait, illuminant discrètement la peau de cette tempe.
Mon regard revient se plonger dans le sien, réellement interrogateur.

Êtes-vous un ange ?

Ma voix était douce et curieuse. Seuls les anges avaient des auréoles de lumière. Peut-être qu'ils la dissimulaient en venant sur Terre. Pas totalement pour que l'on puisse les reconnaitre. Je lève la tête et observe autour de moi. Et là je réalise que beaucoup ont cette lueur du la temps. Les anges seraient-ils finalement descendus du paradis pour vivre parmi les Hommes ?

Je me recule doucement. Il secouait négativement la tête. Je penche la mienne légèrement sur le côté, ne comprenant pas. Seul les anges avaient des auréoles... et il en avait une dissimulée dans la tempe. Voulait-il que personne ne sache qu'il avait été percé à jour ? Pourtant, ils étaient beaucoup à être ici, sur Terre, je les avais vu se balader dans le parc... Ne reste pas ainsi, tu vas encore passer pour une personne étrange. Toujours intriguée, je redresse la tête et écarquille les yeux devant ses mots.

Il connait ton nom. Cela était étrange et effrayant. Je ne me souvenais pas le lui avoir dit ou même suggéré. Etaient-ce mes parents qui l'envoyaient pour me ramener à la maison ? Pourquoi feraient-ils ça ? Ils avaient toujours préféré la police et de toute façon, je n'avais jamais croisé pareille créature au domaine. Il s'était présenté comme étant un... andro... un androïde avec un numéro compliqué composé de chiffres et de lettres. Je ne savais pas ce qu'était un androïde. Peut-être que c'était le nom que les anges se donnaient lorsqu'ils décidaient de vivre sur Terre.

Le jeune homme parait un instant perdu avant de s'assoir à mes côtés, tout en me tendant un mouchoir. Je l'attrape sans comprendre avant de finalement essuyer les dernières larmes survivant sur mes joues. Je lui offre un léger sourire. Cet androïde était gentil, comment ne pouvait-il pas venir d'en haut ?
A moi de secouer négativement la tête face à sa proposition. Je n'avais pas besoin d'aller prier pour prouver ma foi au bon Dieu et s'avoir l'un de ses serviteurs à mes côtés suffisait amplement à savoir qu'il veillait sur moi. J'étais plus sereine, plus calme face à ce monde inconnu. Cole l'androïde y était pour beaucoup. J'avais trouvé un repère pour me guider vers le chemin de la maison.

Pourquoi avez vous décidé de prendre le nom d'androïde ?

Sa gentillesse me confortait dans l'idée qu'il fut un envoyé de Dieu et non autre chose. Et j'étais réellement curieuse de savoir pourquoi il se cachait ainsi.

Quelle est cette lueur sur votre tempe si ce n'est votre auréole que vous dissimulez ?

Je parlais avec une réelle curiosité et il me tardais de tout connaitre de cet étrange personnage. Les questions se bousculaient dans ma tête mais l'étiquette se rappela à moi. Je ne m'étais pas présentée bien qu'il connaisse mon nom. Ce n'est peut-être pas judicieux que tu révèles ainsi qui tu es... Les mots franchirent pourtant la barrière de mes lèvres pour s'envoler dans cette douce chaleur.

Je m'appelle Elysia, dis-je avec un grand sourire sur les lèvres, convaincue qu'il ne pouvait pas me faire de mal.

Je prenais le temps de l'observer, d'observer la finesse de son visage et la profondeur de ses yeux. Mais ce qui m'intriguais le plus, c'était cette lueur bleue dont je n'arrivais pas à détacher mon regard. Elle était si étrange que j'en vins à passer une main sur ma propre tempe. Tout dans mon regard indiquait la curiosité et j'étais loin d'être craintive, pas avec lui. Tu es bien rapide pour donner ta confiance. N'oublie pas qu'il t'a abandonnée dans ce parc... Mais ce... Cole l'androïde ne pouvait pas être méchant. Je souris et repose mes mains sur mes cuisses, lissant ma longue et soyeuse robe bleue.

Je ne dis rien, attendant qu'il veuille bien reprendre la conversation. J'avais hâte d'entendre ses réponses mais je ne souhaitais pas faire l'affront de le brusquer. Il semblait réfléchir, prendre le temps de choisir ses mots, pour moi. Mon regard s'évade vers le lointain, tentant d'oublier cette impatience qui me chatouillait le ventre. A nouveau, je jonglais entre les personnes, les animaux et les arbres. Il m'arrivais de décrocher vers un oiseau qui prenait son envol ou bien de fixer un chien qui s'amusait. Je m'émerveillais de la vie de cet endroit, encore et encore, sans me lasser. Parfois j'essayais d'imaginer la vie de ces personnes. La plupart du temps elles vivaient heureuses, entourées de leur famille. Et je me réjouissais d'imaginer des vies heureuses. Personne n'avait le droit d'être malheureux.

Mais mon petit jeu s'arrêta bien vite lorsque sa voix retenti parmi le brouhaha chantant de cet endroit. Rapidement, je tourne la tête vers lui, décrochant totalement de cet homme aux cheveux grisonnants qui promenait son gros chien. L'entendre à nouveau était une joie car cela voulait dire qu'il allait apaiser l'impatience qui bouillait en moi. Mais les mots qu'il prononça glissèrent sur moi. Je ne comprenais pas. Pourquoi parlait-il de led pour désigner cette lueur mystérieuse ? Ne voulait-il pas m'expliquer ? ou alors il ne souhaitait pas répondre, préférant garder secret ce qu'était réellement ce qu'il appelait "led". Mais au moins, il avait confirmé ce que je pensais : cela leur servait à se différencier des humains, pour que tout le monde sache qui ils étaient.

De multiples questions me brulaient les lèvres et je mourrais d'envie de les lui poser. Mais je ne pouvais pas me montrer si indiscrète, surtout qu'il ne désirait pas m'en dire plus.
J'accueillis sa question avec un léger sourire qui se fana rapidement. Mon regard se détourna du sien, venant se perdre sur mes mains qui trituraient le tissu de ma robe. C'était nerveux. Sa question avait fait remonté le fait que j'étais loin de chez moi et que j'étais perdue. Mes parents devaient sûrement s'inquiéter. A vrai dire, ce n'était qu'une question de temps avant que la police ne me retrouve et me ramène chez moi. Cela m'enchantais mais je n'avais pas envie de rentrer, pas tout de suite du moins. Je voulais découvrir ce monde étrange, cet extérieur que je ne connaissais pas. Je voulais rencontrer d'autres anges et en savoir plus sur eux...

J'avais peur... je relève la tête pour le regarder, presque avec honte. Mes yeux brillaient mais je contenais les larmes de toutes mes forces. Je suis perdue. Mes mains se crispent plus encore sur le tissu de ma robe. Tu vas finir par la déchirer, fais attention. Pourtant je n'arrivais pas à lâcher prise. Tout était si nouveau, si grand, que la peur allait et venait. Mais ça allait un peu mieux maintenant qu'il était à mes côtés. Tu donnes ta confiance trop facilement... Mais ce n'est pas grave, vous êtes là maintenant ! mon ton était faussement enjoué. En réalité, c'était la peur qui dominait en moi. Je voulais rentrer mais j'avais peur de la colère de mes parents. Et pire que tout, j'avais peur de ne plus pouvoir revoir l'extérieur.

Je demeurais concentrée pour ne pas laisser les larmes couler de nouveau. Je n'avais jamais autant eu l'envie de pleurer en une seule journée. Mais ce monde m'effrayait tout autant qu'il m'intriguait. Je reste un instant à fixer mes mains posées nerveusement sur mes jambes avant de regarder de nouveau l'androïde Cole à mes côtés. Le second sourire que je lui offre est légèrement plus sincère bien qu'il demeure faussé par mes yeux brillants. A lui maintenant de pencher la tête sur le côté, comme s'il ne comprenait pas. Étonnant, je croyais que les anges savaient tout. Mais peut-être que ce n'est pas un ange... Mon regard se pose sur lui, détaillant encore une fois ces traits fins. La pureté s'y lisais et je refusais de crois qu'il n'en fusse pas un, surtout avec cette lueur...

Je me perds dans cette contemplation impolie. Mais je ne peux détacher mes yeux de lui. Il me rassure, je me sens en sécurité à ses côtés. Il ne peux pas me faire de mal, c'est impossible. Pourtant, les mots qu'il prononce me crispent. Oui, je veux rentrer, mais j'ai peur de cette colère qui plane sur cet endroit. Rapidement, je détourne mon visage de son regard, fuyant comme si j'avais honte de quelque chose. Quelque part dans mon esprit, je sais que je n'aurais pas dû suivre cette personne. Mais la curiosité a vite supplanté la crainte et je suis parti. J'ai fuis... Quelque chose m'avait poussé à le faire. Tu n'étais qu'un oiseau dans une cage dorée...
Je... je n'ai pas d'argent. Et je ne sais pas où j'habite, mais je me gardais bien de prononcer ces mots, honteuse de ne pas savoir retrouver le chemin de la maison.

Ma respiration était rapide. J'appréciais son aide mais la crainte de revoir mes parents était toujours présente. C'est pourquoi je ne pouvais pas lui demander de me ramener chez moi. Avec hésitation, j'ose reposer mon regard quelque peu apeuré sur lui. Je triture ma robe qui se froisse dans mes mains inquiètes. Peut-être que si je lui dis, il comprendra. Tu donnes ta confiance bien trop rapidement. Mes lèvres tremblent et ma voix est incertaine, presque un chuchotement. Je ne veux pas rentrer... Je... C'est la première fois que je découvre l'extérieur et... je veux rester. Allait-il comprendre ma volonté d'explorer et de découvrir ce que je ne connaissais pas ? Pour appuyer mes dires, j'essayais de lui offrir un vrai sourire, mais il paru plus faux qu'autre chose, accompagné de mes yeux brillants de larmes qui ne désiraient qu'une chose : trouver le chemin de la liberté.

Mon regard se porte sur ses mains qu'il vient de poser délicatement sur les miennes. Je ne m'y attendis pas et je navigue entre son visage et nos mains. Le sourire qu'il tente de faire est assez maladroit mais il suffit amplement à illuminer son visage. Celui que je lui offre est plus sincère que les autres, ses petites attentions me réchauffent le coeur et me font me sentir moins seule dans ce grand parc. Il me rassure et je me sens en sécurité avec lui.

Mais ce contact à l'apparence intime dure trop peu longtemps puisqu'il se redresse rapidement. Sans comprendre pourquoi on me retire la douceur de ses mains si rapidement, le lève le regard vers Cole, comme si je souhaitais retrouver à nouveau cette chaleur.
Les mots qu'il prononça ensuite, de façon formelle, refroidirent l'atmosphère et me crispèrent un peu plus. Portée disparue... Evidemment, j'étais partie de la maison sans prévenir mes parents, ni personne même. Je savais ce que cela voulait dire : j'allais être recherchée au même titre qu'un criminel. Le rouge me monte aux joues et je m'éloigne de Cole, tendue, prête à partir le plus loin possible bien que j'aie totale confiance en lui. Mais il me proposais de me rendre dans un poste de police et je ne voulais pas. Je ne voulais pas retrouver mes parents, être privée de cette liberté d'explorer le monde.

Je secoue la tête négativement, réellement apeurée. Je savais que s'il jugeait ça juste, il pouvait très bien m'emmener de force à la police. Il l'avait, cette force de me trainer. Et je n'aurais pas la force de lui résister. A en juger par les mots qu'il prononça, il faisait lui même partie de la police et cela m'inquiétais un peu. Sans le remarqué, j'avais retenu ma respiration, attendant sûrement le dénouement de ses explications. Un long soupire de soulagement s'échappa de mes lèvres. Il n'allait rien faire, il allait me laisser libre de mes mouvements. Mon sourire revint sur mon visage. Il était gentil, vraiment gentil. Dieu avait dû l'envoyer pour me protéger. Car je ne pouvais que le considérer comme mon ange gardien.
Cole sortit ensuite un bloc note et un stylo/ Intriguée, je le regardais noter des chiffres sur le papier avant de me le tendre. Un moyen de le contacter ? Mais les anges ne savaient-ils pas tout ? Avait-il vraiment besoin de ça pour me retrouver ?

Je saisis le papier délicatement et j'observe le numéro marqué de sa belle écriture fluide. Puis d'un geste délicat, je le plie proprement et le mets dans la poche de ma robe. Le fait qu'il m'ait donné ce papier signifiait qu'il allait partir et ça ne le voulais pas. Je ne voulais pas me retrouver à nouveau seule dans cette grande ville que je ne connaissais pas. Oh, bien sûr, je désirais l'explorer mais j'avis un peu peur toute seule.

Vous allez partir ? ma voix était basse, comme si je ne désirais pas lui poser la question. Il allait m'abandonner, comme cet inconnu qui m'a mené jusque ici. Je relève la tête et lui offre un petit sourire alors que seule la tristesse voulait transparaitre sur mon visage. Merci, mais mes mots étaient sans joie, juste tristes. Je ne voulais pas qu'il parte. Et puis de toute façon, je n'avais aucun moyen de le contacter. Je n'avais rien sur moi, pas même de téléphone ou de pièce d'identité. Ne partez pas, furent les mots que je murmurais, plus pour moi même.