Erik | Because the night belongs to us

Le soleil était parti se coucher depuis longtemps sur la ville de New York. Les lampadaires éclairaient à la place les trottoirs de la Grosse Pomme. Le temps était chaud pour la saison, le réchauffement climatique n’avait cessé de surprendre les hommes depuis qu’il avait été lourdement signalé au début du siècle. Brooklyn n’était clairement pas le quartier de prédilection d’Ambre. Trop d’humains, trop loin d’Icarus. Il avait seulement pour intérêt d’être celui où vivait un certain capitaine qui pouvait lui obtenir des informations primordiales à son œuvre. Aussi ne s’y rendait-elle qu’en de rares occasions – beaucoup moins rares récemment du coup. La soirée avait commencé après qu’elle avait fini son travail au cabinet. Elle s’était rapidement changée pour arborer une tenue plus révélatrice et avait retrouvé l’homme qu’elle fréquentait depuis quelques temps à présent pour un dîner dans un restaurant. Un repas probablement délicieux pour un être humain doté d’un système digestif, une véritable perte de temps pour l’androïde qui avait rapidement fait ressortir l’ensemble de la nourriture dans les toilettes lorsqu’elle était allée se « repoudrer le nez » - on ne va pas se le cacher, cette expression est totalement absurde pour Ambre. Ils avaient discuté, beaucoup. Elle avait ri, souvent. Parfois, elle ne comprenait pas vraiment où il voulait en venir, mais elle se forçait à rire en devinant que c’était ce qu’il attendait d’elle, mais il arrivait qu’elle riait – presque – de sa propre volonté. Sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, ils se voyaient gentiment chasser des lieux par des serveurs exténués qui ne rêvaient que d’une seule chose : leur lit. Ils étaient donc partis, laissant derrière eux un pourboire généreux pour compenser l’attente.

Marcher dans la rue était un moyen d’apprendre de nouvelles choses, de nouveaux comportements. Comment ces petits êtres dotés de chair et d’organes interagissaient entre eux. C’était primordial pour elle, qui se cachait parmi cette espèce depuis quelques temps maintenant. Ça l’était d’autant plus qu’elle devait duper des humains de plus en plus impliqués dans la chasse aux déviants. Elle apprenait vite, c’était normal. Mais elle était également perfectionniste dans l’imperfection des humains et voulait être certaine que personne ne se poserait jamais la question sur sa véritable nature. Elle resterait Ambre Davies aux yeux de ceux qui ne faisaient pas partie d’Icarus, point final.

Elle s’arrangeait pour le toucher le plus souvent possible, attisant le désir qu’elle sentait monter au fur et à mesure que la première partie de soirée commençait à laisser place à la suivante. De temps en temps, elle levait son regard vers lui pour observer chaque parcelle de son visage. « C’était vraiment une excellente soirée… », confia-t-elle avec le sourire qui quittait rarement ses lèvres lorsqu’elle était avec Erik Andersen. Son masque parfait de la femme envoûtée par le capitaine. Ils arrivèrent à leur destination et elle s’écarta furtivement pour se glisser devant lui. Ses mains glissèrent sur sa taille et elle s’approcha un peu plus pour effleurer son corps. Avec ses talons, l’écart de taille s’en voyait réduit, ce qui lui facilitait la tâche pour atteindre son visage. « Merci pour ce moment. », ajouta-t-elle en scellant ses lèvres aux siennes. Un baiser presque chaste comparé à ce que l’on pouvait parfois voir. Mais elle se souvenait de ces scènes dans les films romantiques où le couple s’embrassait doucement devant l’appartement de l’un des deux, les reproduisant à la perfection. Elle ne boudait pas son plaisir à jouer ainsi. Elle savait qu’elle aurait ce qu’elle était venue chercher, tôt ou tard.

Non, la soirée n’était clairement pas terminée, en témoignait le gloussement qui s’échappa de la gorge de la jeune femme. Tous les capteurs d’Ambre s’étaient activés en même temps à la lecture du sourire d’Erik après sa phrase. Bien évidemment qu’elle savait ce qu’il avait en tête sans même avoir besoin de son sourire. Elle en avait vu d’autres, des hommes comme lui. De ceux qui avaient des idées plein la tête et qui lorgnaient allègrement sur son décolleté soigneusement arrangé. Elle savait le faire (im)patienter et elle y prenait un certain plaisir. Ce n’était pas sa vie d’avant qui le lui avait vraiment permis d’avoir une véritable autorité sur le désir de ses clients – à part peut-être ceux qui voulaient en jouer, mais ils étaient restés peu nombreux, et elle n’en avait pas vraiment conscience à l’époque. Mais elle aimait jouer avec les nerfs du policier, elle aimait le faire languir. Une sorte de défi qu’elle se lançait à elle-même, en même temps qu’elle étudiait le jeune homme.

Son baiser n’était qu’une pique de plus dans son désir. La douceur pour le pousser à faire plus et son corps écrasé contre la porte témoignait de la réussite de son coup, un léger gémissement en pointe finale. Elle aurait pu aller plus loin directement sur le palier de son appartement, mais préféra largement s’arrêter en passant sa langue sur ses lèvres alors qu’elle s’écartait légèrement pour pénétrer dans les lieux. Elle connaissait l’antre du capitaine. Ce n’était clairement pas sa première fois, mais Erik avait toujours cette lueur dans son regard qui indiquait « Regarde comme il est beau, ce loft ». La fierté était un sentiment particulièrement présent chez lui et elle faisait de son mieux pour ne pas rouler des yeux. Elle le laissa se diriger vers la cuisine tandis qu’elle s’attardait dans le salon. Son interface s’activa et elle analysait déjà les alentours à la recherche d’un élément intéressant. Ses doigts filaient sur les meubles, guettant le moindre appareil auquel elle pourrait se connecter pour récupérer des informations. Pendant ce temps, elle entendit la voix d’Erik au niveau de la cuisine. « Monsieur Andersen est pressé à ce que j’entends… », répondit-elle avec un brin de malice dans la voix. Elle savait très bien ce qu’il voulait. Elle pouvait presque les voir passer dans ses yeux, ses idées pas très catholiques qui le hantaient depuis le début de la soirée et qui n’avaient fait que revenir à la charge plus virulentes sur le chemin du retour. Sa température corporelle avait augmenté, de même que son rythme cardiaque. Les humains étaient si faciles à percer à jour. Ses capteurs rencontrèrent finalement un dossier qu’elle lorgna longuement, détourna un instant ses prunelles dorées pour vérifier qu’un certain rouquin n’était pas revenu. Elle souleva la couverture et mémorisa rapidement la première page avant de tout refermer. « Je prendrai un verre de ce que tu prendras. », finit-elle par déclarer tout en continuant à déambuler dans le salon à la recherche d’éléments intéressants. Elle savait qu’elle pourrait toujours prendre le temps après les « choses sérieuses » pour fouiner plus largement sans trop de risque d’être surprise. Elle s’arrangeait toujours pour qu’il doive se reposer longuement après une nuit avec elle. Elle tourna à nouveau le visage dans la direction du rouquin. « T’arriveras à verser avec ta main ou tu veux que je t’aide à tenir ? », demanda-t-elle avec un sourire plein de sens. Elle avait aux lèvres un sourire taquin, bien que sa curiosité sur la raison de ses bandages était toujours présente. Elle n’avait cependant pas insisté lorsqu’il avait éludé sa question.

« Nous sommes deux. Ça peut durer un certain temps du coup… », répondit-elle. Ils aimaient bien jouer l’un avec l’autre. Une des plus grandes qualités de leur relation. Elle faisait semblant de se languir, un sentiment qu’elle ne connaissait pas vraiment. Elle ne ressentait pas le désir de passer à l’acte. Elle avait été programmée pour l’exécuter et c’était tout. Mais elle savait parfaitement le faire grandir chez les humains et elle mettait tout cela en application avec Erik.  

S’il l’avait regardée à ce moment précis, elle aurait haussé le sourcil – mouvement qu’elle avait eu plus de mal à implanter dans sa routine humaine. La porte d’entrée de son frère. La cause de sa blessure à la main. Refermée volontairement ou involontairement ? Probablement avec violence au vu des dégâts. Il avait dû souffrir. Les os qui craquent et les nerfs qui s’affolent. Probablement le sang rouge qui avait coulé, libéré par un bout un peu trop tranchant sur sa peau. Il en était sorti temporairement paralysé, en témoigne le bandage sur le membre et ses difficultés à s’en servir convenablement. L’information se nota directement dans son dossier « Andersen » qu’elle referma rapidement avant de faire une petite moue. « Dommage, j’aurais bien aimé te la tenir… mais ça sera pour une prochaine fois je suppose. » On parlait toujours de la bouteille d’alcool. Ses capteurs sensoriels détectaient du whisky, une bonne bouteille. Très bonne bouteille même. Monsieur Andersen ne faisait pas les choses à moitié ce soir.

Lorsqu’il revint vers elle, armés des boissons, elle était toujours à côté du bureau. La curiosité de l’avocate, dira-t-on. De toute façon, elle avait les accréditations pour obtenir ce type de documents, cela faisait partie de son métier, ce n’était pas comme si le capitaine laissait libre accès à la mauvaise personne, ou bien… Elle se tourna vers lui avec un immense sourire et se saisit du verre qu’il lui tendait pour en boire une longue gorgée. Il lui expliquait que c’était une affaire compliquée et que les androïdes étaient de plus en plus impliqués. Il ne savait pas – encore – qu’elle gérait parfois des cas avec des androïdes, ou les associations qui voulaient les représenter. Elle n’eut pas le temps de le lui dire et s’approcha lentement du capitaine qui venait de lui prendre la taille. Elle savait ce qu’il voulait. Ce baiser passionnel et désireux, elle le connaissait très bien. Elle posa son verre suffisamment loin et fit de même avec celui du rouquin. Ils n’en avaient plus l’utilité pour le moment. D’un geste parfaitement millimétré, elle fit voler les fameux dossiers sur le sol pour s’y installer, laissant échapper un petit « oups » pas si innocent que cela. Elle se ferait un plaisir de les ranger. Plus tard. Bien plus tard. Il y avait d’autres choses plus importantes sur le feu. Comme celle de défaire cette cravate parfaitement nouée et de faire glisser cette chemise impeccablement ajustée le long de ses bras pour la lui retirer. Il savait qu'il pouvait faire ce qu'il voulait d'elle et elle savait exactement quoi faire. Elle parcourut son torse de la pulpe des doigts pour rejoindre sa ceinture…



Un ultime râle, ses ongles qui se plantent dans son dos. La fin. Elle donna l’impression d’être haletante, bien qu’elle ne respirait pas réellement. Sa fonction de transpiration s’était activée. L’attirail parfait de la femme comblée sexuellement. Round 1 terminé. Elle était parée à continuer, mais elle lui laissait un peu de temps pour récupérer. « Un petit remontant, Capitaine ? », lui glissa-t-elle suavement à son oreille en récupérant les verres du bout des doigts.